Première nuit à bord

Mille sabords ! S’il y a une chose que je voulais faire depuis longtemps, c’est bien dormir à bord de Kribi !

Pas compliqué en soi, mais il fallait juste un alignement de planètes :

  • Des conditions météo clémentes, ni pluvieuses, ni trop fraîches, ni trop venteuses (pour une première, on va commencer en douceur)
  • Un samedi soir disponible et pas de programme pour le dimanche matin
  • Un peu d’organisation en amont

Mais prenons les choses dans l’ordre. Ma cheville va mieux et j’ai le feu vert du chirurgien pour reprendre la voile. Yippee !

Je passe pas mal de temps à nettoyer le bateau car avec l’inactivité des derniers mois, la cabine a été envahie par les araignées, le cockpit maculé de fientes d’oiseaux et la partie emergée de la coque recouverte d’un joyeux mélange d’insectes et de toiles d’araignées. Pas mal d’algues au niveau de ligne de flottaison et du safran mais c’est là un tout autre chantier, le nettoyage attendra la fin de saison.

Je m’offre deux petites virées au mois d’août sur Kribi : une avec Maxence, un collègue, et une autre en solo ce qui me permet de m’assurer que Kribi et moi sommes pleinement opérationnels.

Petite séance de reprise en main de Kribi

Le grand jour

Nous sommes le 31 août, la météo est idéale. Pas de précipitations prévues, 28 degrés en fin de journée et 18 degrés annoncés au plus froid pour la nuit.

J’emmène la table du voilier sur laquelle je travaille en ce moment. Elle n’est pas finie mais ça me fera un support pour pouvoir utiliser la couchette double.

Un crochet par le supermarché pour l’avitaillement et direction Plobsheim avec les matelas remisés depuis près de 2 ans dans le garage.

Timing serré

Il est 19h15 à mon arrivée et je ne dois pas traîner. Je ne peux pas naviguer de nuit, je n’y verrais rien. Or les éphémérides indiquent que le soleil se couche à 20h12. Il fera nuit noire une demi heure plus tard donc j’ai une fenêtre de 1h30.

Et 1h30, c’est loin d’être énorme pour ce que je dois accomplir :

  • Mettre l’annexe à l’eau et ramer jusqu’au bateau qui est à sa bouée (15 à 20 minutes)
  • Gréer Kribi (15 à 20 minutes)
  • Revenir à la voile au quai (15 à 20 minutes selon la force et la direction du vent)
  • Charger les matelas (10 minutes)
  • Retourner à la bouée à la voile (15 à 20 minutes)

Donc en hypothèse pessimiste, j’ai une marge nulle. Allez, c’est parti !

Je rejoins Kribi avec l’annexe sans encombre. J’ai embarqué avec moi la table en construction et j’ai la joie de constater qu’elle s’encastre parfaitement dans son logement.

Je grée le bateau en moins de 15 minutes et je largue les amarres direction le ponton. Il y a juste ce qu’il faut de vent et il souffle vers le sud. Je m’amarre au quai. So far, so good ! Il est 20h, je suis pile dans les temps.

Je fais des aller-retours à la voiture pour charger les matelas que je balance vite fait à bord.

10 minutes plus tard je repars. Le soleil se couche. J’ai réussi mon petit challenge, je suis heureux de voir se concrétiser la perspective de ma première nuit à bord. L’air est d’une douceur exquise, la lumière du couchant envoûtante, le calme apaisant.

Aucun bruit si ce n’est le souffle du vent et le léger clapotis de Kribi qui glisse sur l’eau. Je me sens en parfaite harmonie avec l’environnement.

Une rencontre inattendue

Je réalise bientôt que je ne suis pas le seul sur le plan d’eau. Un autre plaisancier rame dans son annexe en s’éloignant du ponton. L’heure tardive ne laisse pas de place au doute, il va lui aussi passer la nuit à bord de son bateau.

Cela se confirme car quelques minutes plus tard, il embarque et seconde coïncidence, il a lui aussi un Edel ! Un Edel 4 en très bel état que j’avais déjà remarqué et dont la bouée est toute proche de la mienne. C’est dingue, on va être à 20m l’un de l’autre.

Mon voisin avec son feu de mât allumé

A ma grande surprise, il déroule son génois et ne tarde pas à appareiller. Nous sommes à portée de voix et nous engageons la conversation. Il s’appelle Philippe et il m’indique qu’il va mouiller l’ancre de l’autre côté du plan d’eau pour y passer la nuit, ce qu’il a visiblement l’habitude de faire. Je ne réfléchis pas longtemps et lui demande s’il est d’accord pour que je le suive et que je m’installe dans son secteur.

Passer la nuit amarré à une bouée comme je le prévoyais est une chose, mais le mouillage forain est nettement plus intéressant !

Philippe est ok et voilà notre micro flotille Edel partie pour un beau bord au grand largue dans les lueurs du crépuscule.

Mais une petite voix intérieure vient semer le trouble dans mon esprit : je n’ai quasiment aucune expérience dans l’usage d’une ancre et surtout, je ne suis pas sûr de l’état de la ligne de mouillage ! Apres avoir acheté le bateau, je l’avais sortie une fois “pour voir”, je n’ai pas fait d’examen approfondi. Est-ce que la longueur de la chaine sera suffisante ? Quel est l’état du cordage ? Est ce que l’ancre ne risque pas de chasser durant la nuit alors que je dormirai ?

J’ai sans doute été un peu téméraire sur ce coup là d’autant qu’il fait très sombre et qu’il n’est plus envisageable de retourner au corps mort. Alea jacta est, on verra bien. J’ai confiance en mon bateau et en cas de pépin, Philippe et son moteur ne seront pas bien loin.

A 20h45, on est sur zone. Je sors l’ancre, vérifie les noeuds et l’état de la ligne, ça me semble pas mal. Je laisse filer toute la longueur dans l’eau, à vue de nez elle doit faire dans les 8m et il y a moins de 2m de fond, ça devrait le faire.

Ancre mouillée

Philippe qui, contrairement à moi, dispose de feux de position , continue de naviguer et tire des bords paisibles dans les environs. Il me conseille d’installer sur mon smartphone une application de contrôle de position et j’opte pour Anchor lite. Le principe est simple : l’appli enregistre la position GPS du bateau et émet une alarme si ce dernier sort d’un périmètre défini par l’utilisateur. Je paramètre une distance de 15m.

Capture écran Anchor lite

Installation pour la nuit

Je ferle la grand voile puis je prépare ma couchette pour la nuit qui est complètement tombée à présent. J’ai une lampe magnétique pour eclairer la cabine et une petite radio ce qui me permet d’avoir un petit fond musical.

Philippe a mouillé l’ancre à une centaine de mètres de moi et ses feux brillent dans l’obscurité.

Je vois dans Anchor lite que le bateau maintient sa position depuis le début. Rassuré, je coupe l’appli qui vide ma batterie de portable à vitesse grand V.

Je sors ensuite mon casse croûte : chips, saucisson, salade en boîte, bière. C’est frugal mais je savoure l’ensemble avec bonheur dans le cockpit. La nuit est belle avec un ciel étoilé. Un dôme de lumière surplombe Strasbourg et le pont Pfimlin qui enjambe le Rhin illumine l’horizon. D’Allemagne montent des sons de musique électro.

Au dodo !

Vers 23h, je me couche mais la lumière extérieure éclaire trop la cabine à mon goût. Je masque comme je peux les hublots avec tout ce que j’ai sur la main : sac à voile, chiffons, vêtements, coussins.

Je ne dors que d’un œil la première heure. La musique a cessé mais j’entends des bruits étranges venant de l’eau ainsi que des voix étouffées en provenance de la côte. Des pêcheurs qui bivouaquent ? Difficile à dire.

Vers 4h du matin, je suis tiré de mon sommeil par un bruit répétitif et insistant. Je finis par me décider à aller voir ce qui se passe et au prix de quelques acrobaties, je sors sur la plage avant par le panneau de pont.

Le choc : Kribi fend les flots et avance à belle allure ! Je mets quelques instants à réaliser que ce n’est qu’une illusion d’optique. Le vent s’est levé dans la nuit, la surface de l’eau est couverte de vaguelettes en mouvement ce qui donne l’impression d’avancer. Tout va bien Kribi est toujours à l’ancre .

J’identifie sans mal la cause du bruit qui m’a réveillé. Ce sont les drisses qui se sont mises à battre contre le mât sous l’action du vent. Je bricole un système avec les écoutes de génois pour les tenir éloignées du mât et je retourne me coucher non sans admirer la voute céleste épinglée de myriades d’étoiles.

Réveil matinal

J’émerge vers 7h du matin. Mes protections anti-lumière sont insuffisantes et la clarté du jour m’a réveillé.

Le grand luxe à bord

C’est un mal pour un bien car Philippe m’avait prévenu qu’il repartirait de bonne heure et je préfère appareiller tant qu’il est là, au cas où je rencontrerais des soucis avec la remontée de l’ancre. Pour l’heure, il nage autour de son bateau, ce type est incroyable !

Une belle journée commence

Le plan d’eau est d’huile, le vent de la nuit est tombé. Les pêcheurs sont déjà à pied d’oeuvre, je compte une petite dizaine d’embarcations.

Je prépare Kribi pour le départ. Philippe a déjà hissé sa grand voile.

Retour à la civilisation

La remontée de l’ancre est une formalité ; j’avais peur qu’elle reste coincée dans les fonds mais elle vient sans opposer de resistance.

Je dis au revoir à Philippe et j’entame le lent retour. En l’absence quasi complète de vent, il va falloir être patient.

Je prends un petit déjeuner, tout aussi frugal que le dîner. Au menu, café tiède et biscuits au beurre.

Il me faut plus d’une heure pour retourner au ponton malgré le fait que j’utilise la barre comme moyen de propulsion en faisant des va et vient.

Il ne me reste plus qu’à décharger mes affaires dans la voiture, ramener Kribi à son corps mort et rerourner à terre avec l’annexe

Le débrief

Je suis très heureux de cette expérience que j’attendais depuis un moment. J’ai adoré les imprévus qui ont donné plus de saveur encore à cette première nuit à bord. Mouiller l’ancre, c’etait génial ! C’est clair, je renouvellerai l’expérience.

Côté sommeil, bien que la couchette soit confortable, j’ai connu mieux. Entre les bruits des drisses sur le mât et la lumière qui s’est immiscée dans la cabine, je n’ai pas très bien dormi. Pour les prochaines fois, je serai vigilant pour les drisses et je mettrai des rideaux aux fenêtres. Il faudra aussi que je me penche sur la question de l’électricité à bord pour avoir des feux de position, ce sera plus sécurisant. Dernier enseignement, il me faut VRAIMENT un moteur !

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