J’achève ma seconde saison tout heureux. Il ne reste plus qu’une petite formalité, sortir le bateau de l’eau.
Sur le papier, rien de bien méchant : il faut attacher la remorque au treuil, puis la faire descendre dans l’eau pour l’immerger complètement. Ensuite on positionne le bateau sur la remorque et on actionne le treuil pour la remonter.
Dans les faits, c’est un peu plus compliqué. Une fois la remorque dans l’eau, on la distingue mal et il est difficile de placer correctement le bateau. Il y a aussi le courant qui a tendance à mettre le bateau de travers or il faut qu’il soit parfaitement dans l’axe de la remorque pour que sa quille se pose dans son logement.
Episode 1 : la menace fantôme
L’année précédente, cela nous avait pris près d’une heure à Ben et moi et cette année, j’ai prévu du renfort. Je suis accompagné par mon frère Eric qui commence à avoir l’habitude que je le sollicite puisqu’il m’a aidé par deux fois à metttre le bateau à l’eau. Il y a aussi mon pote Cyril. On aborde l’opération dans la joie et la bonne humeur loin de nous douter que tout ne va pas se passer comme prévu.
On commence par changer une des roues de la remorque et on regonfle les autres pneus. On s’apercoit au passage que les écrous des roues étaient complètement dévissés ce qui aurait pu conduire à une catastrophe. Puis nous attachons non sans mal la remorque à la voiture, direction la cale.
Une fois la remorque amenée au niveau du treuil, on laisse Eric faire l’attacher au cable tandis que Cyril et moi allons chercher le bateau. Il faut le rejoindre avec l’annexe puis le gréer et tirer des bords pour revenir, ce qui nous prend plus d’une demi-heure mais nous offre une petite seance de voile improvisée des plus agréables.
On tente alors de placer le bateau sur la remorque immergée mais là les galères commencent et on enchaîne les déconvenues. L’eau est très trouble et on n’y voit rien. Chaque fois qu’on pense que la remorque est bien positionnée et qu’on commence à la treuiller hors de l’eau, le bateau bascule sur un bord (frottant bien souvent contre le quai en dépit des pare-battages et abîmant la coque), ce qui nous oblige à faire redescendre la remorque dans l’eau puis à réessayer. Les tentatives se succèdent et se soldent inlassablement par des échecs, en dépit de l’aide de plusieurs membres du club. Je finis par aller dans l’eau glacée pour pouvoir positionner le bateau plus facilement qu’avec bouts et gaffes et nous poursuivons nos essais qui demeurent infructueux. Après plus de deux heures d’efforts, je suis transi et la nuit n’est pas loin de tomber. Dépité, je dois hisser la grand voile et retourner au corps mort, amarrer le bateau puis revenir avec l’annexe dans l’obscurité. Dur dur de se dire que tous ces efforts n’ont servi à rien ! Je reviendrai deux jours après pour vérifier les amarres car j’etais peu confiant dans mes noeuds faits à la va-vite dans la pénombre.
Episode 2 : mission impossible
Le week-end suivant je suis de retour et cette fois j’ai fait appel à Marie-Pierre, monitrice du club. Cyril m’accompagne à nouveau et plusieurs autres plaisanciers viennent nous prêter main forte. Avec cette équipe de choc, je ne doute pas une seconde que cette fois les choses se passeront au mieux mais je vais progressivement déchanter. L’après-midi est la copie quasi conforme de la fois précédente. Mêmes tentatives, mêmes échecs. Nous essayons de nouvelles formules : on installe un moteur électrique sur le bateau et on l’eloigne significativement de la cale pour le manœuvrer plus librement et le metttre dans l’axe. Las ! A chaque fois le bateau se couche quand on commence à remonter la remorque. A la tombée de la nuit, cest la mort dans l’âme que je suis contraint de ramener une nouvelle fois le bateau à la bouée.
Je suis passablement déprimé. A Plobsheim, tous les bateaux doivent être sortis de l’eau à la fin de la premiere semaine de décembre et nous sommes le 18 novembre, il ne reste plus sur l’eau qu’une poignée de bateaux .
Je decide de laisser passer un week-end pour souffler.
Episode 3 : un nouvel espoir
Deux semaines plus tard, je suis de retour sur les lieux. Cette fois, je n’ai plus le droit à l’erreur, nous sommes le 2 décembre et Kribi est le dernier bateau encore à l’eau. C’est Ben, un autre moniteur du club qui m’épaule, il m’a déjà aidé l’année précédente . Sont aussi de la partie Eric, mon neveu Djal âgé de 22 ans et plusieurs membres du club qui viennent en renfort. C’est vraiment chouette cette solidarité entre marins, ça fait chaud au coeur. Big up les gars !
Il fait un froid glacial, le bateau est couvert de neige. Les bouts sont gelés et souffrent d’une absence totale de flexibilité, je n’ai jamais vu ça.
Difficile dans de telles conditions de hisser la grand voile. Je décide d’effectuer la quarantaine de mètres qui sépare le corps mort du ponton en me servant de la barre comme godille en la basculat successivement d’un bord à l’autre. J’avais lu un article vantant cette technique avec l’Edel 6 et je l’avais expérimentée un jour de pétole, elle est remarquablement efficace.
Après avoir rejoint la cale, Ben prend les choses en main et supervise les opérations. Hormis le froid, les conditions sont bien meilleures que les autres fois. L’eau est transparente, on distingue bien la remorque sous l’eau et il n’y a ni vent ni courant. Malgré cela, la première heure voit nos tentatives échouer lamentablement. Ben fixe un bout à une drisse ce qui permet de guider le bateau en jouant directement sur la tête de mât. Une fois encore, je vais dans l’eau jusque la taille poir guider le bateau mais cette fois j’ai ma combinaison. Nos efforts finissent par payer et enfin le bateau sort de l’eau, droit comme un i sur sa remorque. Pfou, quel soulagement !
C’est parti pour un gros nettoyage avec le jet haute pression car les oeuvres vives sont couvertes d’algue.
Episode 4 : voyage au bout de l’enfer
Ensuite nous tractons le bateau jusqu’à son emplacement à terre. C’est très difficile de le ranger dans l’espace qui lui est dévolu et cette seule étape meriterait un article dédié. Les bateaux sont rangés en bataille et le faible espace disponible empêche de manœuvrer la remorque avec le véhicule.
Il faut détacher puis pousser la remorque à la main. Nous sommes quatre et ça devrait aller mais la roue jockey lâche subitement ce qui rajouté à un pneu à plat, rend difficile la progression. Nous attachons l’arrière de la remorque à la voiture d’Eric. La voiture patine, il nous faut aller au bout de nos forces pour enfin réussir. Il était temps, il fait nuit noire.
Je reviens à Plobsheim quelques jours plus tard pour retirer le genois, vider le bateau et mettre la bâche d’hivernage. Cette fois c’est bon, je peux souffler pour de bon car je sais le bateau en sécurité pour l’hiver.
Conclusion
Les difficultés exceptionnelles que nous avons rencontré pour sortir le bateau de l’eau en dépit de l’aide de personnes très expérimentées sont probablement liées à la conjonction de plusieurs facteurs :
- Une remorque peu adaptée : la traverse arrière gait obstacle à la quille ce qui empêche de positionner le bateau simplement en l’avancant . Cela oblige à immerger la remorque profondément puis à placer la quille au dessus du puits de la remorque avec une faible marge d’erreur, alors même qu’on ne distingue rien sous l’eau.
- Un niveau d’eau particulièrement bas cette année ; pour mémoire, le plan d’eau de Plobsheim est un bassin de compensation dont le niveau peut beaucoup varier en fonction du jeu d’ecluses situés en amont. Cette année, le niveau était particulièrement bas alors même que les 6 semaines precedentes ont été exceptionnelles pluvieuses.
- Des patins de remorque mal réglés : j’avais modifié la hauteur des patins quelques mois plus tôt car Eric avait constaté qu’ils n’etaient pas à niveau, ce qui avait conduit à un enfoncement de la coque. Il semble que mon action ait fait plus de mal que de bien car les nouveaux reglages sont inadaptés.
Pour les prochaines années, je prévois d’utiliser le ber à la place de la remorque pour sortir le bateau.
L’opération est plus complexe car il faut démater et gruter le bateau mais elle est a priori moins sujette aux mauvaises surprises. L’avenir nous le dira !